Inde/Pakistan : vers une normalisation ? (The Diplomat)

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par Khurram Abbas et Muhammad Ahmad Khan

La nouvelle année apporte un nouvel espoir : le moment est venu pour l'Inde et le Pakistan de se concentrer sur des mesures de confiance afin de renouer des liens diplomatiques et commerciaux.

L'année 2024 est porteuse de nombreux espoirs dans le sous-continent, notamment en raison de la tenue d'élections générales au Pakistan et en Inde. Depuis 2019, les relations diplomatiques entre les deux voisins sont particulièrement tendues. En réponse à l'abrogation par l'Inde de l'article 370 cette année-là, le Pakistan a réduit ses liens diplomatiques avec l'Inde et a interrompu les échanges commerciaux entre les deux pays. À l'heure actuelle, l'Inde et le Pakistan ont des postes vacants de hauts-commissaires, et les deux pays ont nommé des hauts-commissaires adjoints et des chargés d'affaires, respectivement, dans l'autre pays.

Officiellement, les deux parties ont des approches inflexibles et accumulent les conditions préalables à tout processus de paix ou dialogue bilatéral. New Delhi maintient que pour entamer un dialogue, le Pakistan doit mettre fin au terrorisme transfrontalier. Récemment, dans une interview accordée à l'ANI, le ministre des affaires extérieures, S. Jaishankar, s'est fait l'écho de conditions préalables similaires, déclarant que l'Inde était disposée à traiter avec le Pakistan, mais pas dans des conditions où le terrorisme est considéré comme un outil diplomatique légitime. De même, Islamabad a conditionné les pourparlers à l'annulation de l'abrogation par l'Inde de l'article 370, qui a eu lieu en août 2019. 

Pendant des années, les dirigeants politiques des deux pays ont utilisé cette absence de relations normalisées pour construire leur discours politique interne. La rhétorique politique existante a principalement limité l'espace permettant aux dirigeants de l'un ou l'autre pays de rechercher la paix. Par exemple, le Premier ministre Imran Khan a autorisé le rétablissement des relations commerciales avec l'Inde en mars 2021. Toutefois, la pression politique l'a contraint, lui et son cabinet, à revenir à une attitude chauvine au bout d'un mois.

Malgré ces récits politiques forts, certains cas offrent une lueur d'espoir pour une normalisation des relations bilatérales. Par exemple, en 2023, malgré la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, le Pakistan a délivré 6 824 visas à des pèlerins indiens sikhs et hindous pour qu'ils se rendent au Pakistan afin d'assister à diverses fêtes et occasions religieuses. De même, la libération de 478 pêcheurs indiens et de neuf civils indiens en 2023 est également rassurante.

Un autre développement positif a été le strict respect de l'accord de cessez-le-feu entre les deux pays en 2023. Aucun incident majeur, escarmouche ou tir n'a été signalé l'année dernière. Les deux pays ont adhéré au protocole d'échange de listes d'installations nucléaires et de prisonniers arrêtés dans les deux pays.

Que peut-on faire en 2024 et au-delà ?

En 2024, les deux pays doivent prendre des mesures de confiance pour s'engager l'un envers l'autre. L'Inde et le Pakistan devraient adopter une approche progressive pour normaliser leurs relations diplomatiques et reprendre leurs échanges commerciaux. Il peut s'agir d'assouplir le régime des visas, de promouvoir le tourisme religieux, d'encourager les contacts entre les peuples et de relancer le commerce bilatéral. En outre, les deux pays doivent adopter des mécanismes pour travailler sur des défis communs tels que le changement climatique, la pénurie d'eau et l'amélioration des indicateurs de développement humain. 

L'Asie du Sud est l'une des régions les plus touchées par le changement climatique. L'impact le plus dévastateur du changement climatique dans la région concernera le bassin de l'Indus. Le Pakistan et l'Inde dépendent tous deux largement du bassin de l'Indus pour leur vie quotidienne. La viabilité socio-économique des deux pays dépend de l'intégrité du débit de l'Indus. Un rapport estime que d'ici 2050, en raison de l'impact du changement climatique, le bassin de l'Indus souffrira de changements dans les périodes de débit de pointe et de la variabilité du débit de l'Indus. Parallèlement à cette pénurie d'eau annoncée, le Pakistan et l'Inde sont confrontés à une augmentation considérable de leur population, ce qui accroît la pression sur les ressources en eau et incite les décideurs politiques à agir.

Cette préoccupation mutuelle permet à l'Inde et au Pakistan d'unir leurs forces pour une gestion partagée du bassin de l'Indus. Le traité sur l'eau de l'Indus, signé entre les deux pays en 1960, divise le bassin : les trois rivières occidentales - l'Indus, la Jhelum et la Chenab - sont confiées au Pakistan, et les trois rivières orientales - la Ravi, la Bias et la Satluj - à l'Inde. Dans un avenir incertain, le Pakistan et l'Inde devront s'entraider dans la gestion partagée de ces réseaux hydrographiques. 

Le manque d'infrastructures et de gestion de l'eau a provoqué de graves pénuries d'eau dans différentes régions du Pakistan et de l'Inde. L'un des points de coopération potentiels pourrait être que les deux pays collaborent à la construction d'un canal pour prolonger l'Indus vers le Gujarat, en Inde, avant qu'il ne se jette dans l'océan Indien. Actuellement, 21 millions d'acres de pieds (maf) d'eau de l'Indus sont inexploités et se déversent dans l'océan Indien. Les principales régions du Gujarat, comme le Kutchh, le Sud, le Centre et le Saurashtra, sont confrontées à des pénuries d'eau pour diverses raisons, notamment les faibles précipitations et la pollution industrielle. Par conséquent, le détournement de l'Indus vers le Gujarat est une option possible de coopération entre les deux pays.

En outre, un examen plus approfondi des régions frontalières du Pakistan et de l'Inde révèle que ces zones n'obtiennent pas de bons résultats en matière de développement social en raison des perceptions de la sécurité et des priorités gouvernementales. Les indicateurs de l'indice de développement humain, par exemple dans les régions frontalières du Pakistan telles que Bahawalpur, Bahawalnagar, Hyderabad et Pakpattan, et dans les États indiens tels que le Rajasthan, ne sont pas bons. En raison des perceptions négatives en matière de sécurité de part et d'autre, ces zones frontalières sont restées sous-développées. Cette situation a fini par avoir des répercussions sur les habitants de ces régions. Le Pakistan et l'Inde peuvent conjointement modifier les perceptions en matière de sécurité en développant davantage ces régions. 

L'adoption de ces mesures laisse entrevoir une lueur d'espoir pour la relance de l'Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR). Après que l'Inde a accusé l'État pakistanais d'être impliqué dans l'attaque d'Uri en 2016, qui a tué 19 soldats, New Delhi a boycotté le sommet de l'ASACR qui devait être accueilli par le Pakistan à l'époque. Le boycott a également été adopté par le Bangladesh, le Bhoutan et l'Afghanistan, ce qui a entraîné le blocage de l'ASACR. La raison principale de cette situation est le refus de l'Inde de se rendre au Pakistan.

Dans une telle impasse, l'Asie du Sud est devenue l'une des régions les moins intégrées du monde, avec des pays incapables de répondre collectivement aux pandémies et aux crises qui concernent tout le monde. Le Pakistan peut proposer d'accueillir virtuellement le sommet de l'ASACR afin de briser la glace entre les deux pays. L'Inde doit répondre de tout cœur en ne mettant pas l'accent sur les questions qui concernent le Pakistan. Il s'agira d'un premier pas vers une coopération contagieuse dans d'autres domaines.  

En 2005, les dirigeants politiques pakistanais et indiens ont mis en place un service de bus reliant Srinagar à Muzaffarabad, considéré comme une mesure de confiance majeure. Cet itinéraire a non seulement permis aux touristes et aux membres des familles de se rendre visite de part et d'autre de la frontière, mais il a également favorisé les échanges commerciaux locaux. Depuis 2019, ce service de bus est inactif. Comme les deux pays adhèrent à l'accord de cessez-le-feu depuis 2021, il y a un espoir de réouverture de la ligne de bus. Le Pakistan et l'Inde doivent envisager cette initiative pour renforcer les contacts entre les peuples.

En outre, il existe un site historique, Sharda Peeth, connu sous le nom d'Université Sharda, à 50 km de Muzaffarabad. Ce lieu sacré pour les hindous est mentionné dans les écrits d'Al-Baironi datant du 11e siècle. À l'instar de l'initiative du corridor de Kartarpur, le Pakistan peut faire de Sharda Peeth un site touristique et permettre à la communauté hindoue de l'Inde de visiter le temple. Cette initiative de corridor de paix renforcerait les échanges culturels entre les deux pays et ferait de la région un site touristique frontalier attrayant.

Nous espérons qu'en 2024 et au-delà, grâce à ces mesures majeures et mineures, les deux pays pourront promouvoir la paix et l'harmonie dans la région.

Traduction : Veille Stratégique

Source : https://thediplomat.com/2024/01/could-the-india-pakistan-relationship-normalize-in-2024/

Commentaires

  1. Il serait bon également que les relations avec la hine soient normalisées et de ce fait permettre une accélération des routes de la soie.

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  2. Le Pakistan est KO économiquement à l'heure actuelle, il n'a donc pas les moyens d'entreprendre une énième guerre contre l'Inde qui sont deux pays nucléarisés militairement. Donc l'Inde a l'avantage en ce moment, elle va en profiter.
    Il y a la question du Cachemire à régler, encore que la Chine s'en mêle aussi, mais il y a un projet de gazoduc et d'oléoduc venant de la Russie passant par l'Iran et le Pakistan pour rejoindre l'Inde.
    Donc il va bien falloir se parler et enterrer la hache de guerre, ces mauvaises relations caractérisées par des incessantes guerres et incidents de frontière datent de 1947 !!!

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  3. Chers amis, vois semblez oublier que The Diplomat est la voix de Washington.
    Il s'agit, sans le dire d'un plaidoyer pour une Pax Americana qui se fera sur les dos Sino-irano-russe.
    Vois remarquerez une suite de voeux pieux mais absolument aucun signe de réchauffement gouvernemental.

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    1. Et on dit que les USA sont sur le déclin !!! Ben voyons !!!

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    2. Zeche
      Sur le déclin ne signifie pas "sans capacité de nuisance".
      Au contraire c'est blessée qu'une bête est la plus dangereuse.
      Les Russes et les Chinois le savent. Raison aussi de leur extrême prudence.

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    3. C'est peut être pour cela que la Russie et la Chine ont dû pousser l'Afrique du Sud à ennuyer Israël avec le mot génocide et a déposé plainte en ce sens à la CPI.
      Car l'Afrique du Sud, faisant partie des BRICS, n'a rien à voir avec le monde arabe et la cause palestinienne de toute son histoire.
      Ainsi la Chine et la Russie ne s'exposent pas directement face aux USA, ils se méfient de sa réaction qui peut être irrationnelle et disproportionnée en termes de réponse.

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