Point de situation militaire établi par l'ISW pour la journée du 9 mars

L'ISW (think-tank conservateur) a publié son évaluation sur la guerre en Ukraine à 15h00 (EST) le 9 mars.

Les opérations russes visant à poursuivre l'encerclement et l'assaut de Kiev ont probablement commencé, bien qu'à plus petite échelle et de manière plus ponctuelle que ne le prévoyait l'ISW. L'équivalent d'une brigade russe renforcée aurait tenté d'avancer vers Kiev par sa périphérie occidentale et n'aurait guère progressé. Des opérations plus modestes ont continué à se consolider lentement et à étendre progressivement l'encerclement au sud-ouest de la capitale. Les opérations russes dans les approches orientales de Kiev restent dans une période d'accalmie, probablement parce que les Russes se concentrent sur la sécurisation des longues lignes de communication allant vers ces périphéries depuis les bases russes autour de Sumy et Chernihiv, face au harcèlement habile et déterminé des Ukrainiens sur ces lignes. La bataille pour Kiev risque de continuer à s'éterniser, à moins que les Russes ne parviennent à lancer une attaque plus concentrée et plus cohérente que celle qu'ils ont jusqu'à présent montré être capable de mener.

L'armée russe a manifestement du mal à mobiliser les effectifs de réserve pour compenser les pertes et remplir les nouvelles unités. Le 9 mars, le Kremlin a admis pour la première fois que des conscrits combattaient en Ukraine (en violation de la loi russe), mais d'une manière étrange comme d'habitude : selon le Kremlin, Vladimir Poutine a découvert lui-même que des conscrits opéraient en Ukraine alors qu'il examinait un rapport sur le conflit. Selon le Kremlin, les autorités judiciaires militaires russes ouvriraient une enquête sur cette pratique et puniraient les responsables. Poutine lui-même serait, bien sûr, responsable en dernier ressort d'avoir émis les ordres de mobilisation qui ont envoyé les conscrits au front. Des rapports ont également fait état de la conscription d'étudiants dans des écoles de médecine et de théâtre à la fin du mois de février, ainsi que de démentis de ces rapports. Les utilisateurs des réseaux sociaux ont également signalé le mouvement des forces russes de maintien de la paix dans la région du Haut-Karabakh, spéculant qu'elles pourraient se retirer pour participer à la guerre en Ukraine. Leur teneur générale s'aligne toutefois sur notre évaluation publiée selon laquelle la Russie a du mal à générer une nouvelle vague de réservistes ou de recrues aptes au combat dans un court laps de temps et notre évaluation selon laquelle la Russie aura besoin d'une telle vague pour atteindre ses objectifs.

Principaux points à retenir

Les forces russes ont probablement entamé de nouvelles opérations offensives vers Kiev et pour poursuivre son encerclement à l'ouest, mais elles n'ont pas beaucoup progressé.

Les troupes russes à l'est du Dniepr, près de Kiev, tentent probablement de consolider leurs lignes de communication contre d'importantes contre-attaques et perturbations ukrainiennes afin de créer les conditions d'une attaque de la capitale par l'est.

Il est peu probable que la Russie tente de s'emparer de Kharkiv par une offensive terrestre dans les prochains jours, mais elle poursuivra probablement ses efforts pour l'encercler et/ou la contourner.

Les forces russes et les forces mandataires russes à Donetsk et à Louhansk s'efforcent de prendre le contrôle de la totalité de l'étendue territoriale des oblasts de Donetsk et de Louhansk, mais n'y sont pas encore parvenues.

Marioupol reste encerclée et bombardée.

Les forces russes continuent de préparer des opérations contre la ville de Zaporizhya, mais ne les ont pas encore lancées à grande échelle.

Les forces russes de Kherson semblent encercler Mykolayiv par l'est mais n'ont pas encore franchi la rivière Bug du sud. Il est peu probable que les opérations russes contre Odessa commencent avant que la Russie n'établisse une ligne de contrôle sécurisée depuis la Crimée à travers le Bug du Sud.

Les forces russes sont engagées dans quatre efforts principaux à l'heure actuelle :

Effort principal - Kiev (composé de trois efforts de soutien subordonnés) ;

Effort de soutien 1 - Kharkiv ;

Effort de soutien 1a - Oblast de Lougansk ;

Effort de soutien 2 - Marioupol ; et

Effort de soutien 3 - Kherson et avance vers l'ouest.

Effort principal - axe de Kiev : Les opérations russes sur l'axe de Kiev visent à encercler la ville par le nord-ouest, l'ouest et l'est.

Les forces russes ont probablement commencé à renouveler les opérations offensives que l'ISW prévoyait, mais à un niveau d'intensité moindre et à une échelle plus réduite que ce que nous avions prévu. Les attaques russes individuelles de la taille d'un régiment signalées les 8 et 9 mars représentent peut-être l'ampleur des opérations offensives que les forces russes peuvent mener sur cet axe à tout moment. La possibilité d'une attaque générale plus importante et plus cohérente visant à encercler Kiev ou à l'attaquer dans les jours à venir reste possible, mais l'engagement continu de groupes de deux à cinq groupes tactiques de bataillons (GTB) à la fois rend moins probable une telle attaque générale à grande échelle.

Effort principal subordonné le long de la rive ouest du Dniepr        

L'état-major ukrainien a signalé le 8 mars que jusqu'à cinq BTG russes ont attaqué depuis les environs de Babintsi en direction de Bucha, à environ 25 kilomètres au nord-ouest de Kiev, mais qu'ils ont été repoussés. Cette zone a été le théâtre de combats fréquents pendant de nombreux jours, et l'ancien maire d'Irpin a déclaré le 8 mars que les Russes en contrôlaient une grande partie. Le rapport de l'état-major ukrainien, s'il est exact, serait remarquable car une force russe de la taille d'un régiment ou d'une brigade renforcée, vraisemblablement reconstituée et préparée après la pause opérationnelle et les efforts de réapprovisionnement des derniers jours, aurait dû être en mesure de progresser davantage. Si l'armée ukrainienne n'exagère pas la taille de la force d'attaque russe et ne sous-estime pas son succès, cet incident confirmerait l'évaluation générale de l'état-major ukrainien selon laquelle les forces russes, en particulier autour de Kiev, ont perdu une grande partie de leur puissance de combat effective et peut-être la volonté de se battre.

L'état-major ukrainien a également signalé le 8 mars qu'un total de quatre BTG (deux de la 5e brigade de chars séparée et deux de la 37e brigade de fusiliers motorisés séparée) avaient avancé vers Yasnohorodka, à environ 37 kilomètres au sud-ouest du centre de Kiev. Yasnohorodka se trouve entre deux zones vers lesquelles l'ISW avait déjà estimé que les forces russes avaient avancé, bien qu'elle soit située le long d'une route à rayons menant de Byshiv, que les Russes ont probablement déjà occupée, à Kiev. Cette attaque s'inscrit probablement dans le cadre d'un effort visant à consolider le contrôle russe des approches sud-ouest de Kiev et à créer les conditions d'une concentration des forces russes plus proches de la ville depuis cette direction.

L'état-major ukrainien a également noté que les forces russes semblent se préparer à renouveler les opérations offensives vers Fastiv, un carrefour routier clé au sud-ouest de Kiev et à environ 22 kilomètres au sud de l'avancée russe la plus avancée sur cet axe à Byshiv. L'ISW n'a observé aucune indication que les Russes aient lancé de nouvelles opérations vers Fastiv au cours des dernières 24 heures.

L'ISW n'a reçu aucun rapport concernant de nouvelles opérations offensives russes dans la région d'Ivankiv, et l'état-major ukrainien a explicitement signalé le 8 mars que les Russes n'avaient pas mené d'opérations près de Dymer.

Effort de soutien subordonné - axe de Chernihiv

Les forces russes ont poursuivi leurs efforts pour prendre la ville de Tchernihiv ainsi que pour la contourner par le sud-est et l'est. L'état-major ukrainien a rapporté le 9 mars que des éléments de la 2e Armée à armes combinées, de la 41e Armée à armes combinées et de la 90e Division blindée tentent de renouveler l'offensive vers Tchernihiv et Kiev depuis le nord, engageant probablement un BTG de réserve supplémentaire de la 55e Brigade de fusiliers motorisés de la 41e CAA dans cet effort. Les forces ukrainiennes ont rapporté le 9 mars qu'elles continuent de tenir Tchernihiv.

Effort de soutien subordonné - axe de Sumy

Au cours des dernières 24 heures, les forces russes ont poursuivi leurs efforts pour consolider le contrôle de leurs lignes de communication vers l'est de Kiev le long de l'axe Sumy, alors que les forces ukrainiennes continuent de les contester. Les forces russes de la concentration de Chernihiv pourraient opérer sur la rive est de la Desna, au sud de Chernihiv, pour soutenir cet effort. L'état-major ukrainien a signalé le 8 mars que les troupes russes déplaçaient du matériel de pontage dans les environs de Kozelets, à environ 65 kilomètres au nord-est de Kiev. La zone autour de Kozelets est très humide, avec plusieurs petites rivières qui nécessitent probablement les ponts de pontage, bien qu'il soit possible que les Russes aient l'intention de les utiliser pour traverser la Desna elle-même.

L'état-major ukrainien a fait état de combats tout au long de la ligne de communication russe, des environs de Sumy à Nizhyn et même plus au nord vers Hlukhiv, qui se trouve presque à la frontière russe. Ces combats continus indiquent probablement que les Russes luttent pour consolider leur contrôle sur cette longue ligne de communication et que les forces ukrainiennes la contestent activement. Ce phénomène peut expliquer en partie la relative rareté de l'activité russe signalée dans la périphérie orientale de Kiev au cours des dernières 24 heures.

Soutien à l'effort n°1 - Kharkiv :

Les forces russes ont continué à bombarder Kharkiv mais n'ont pas renouvelé leurs tentatives de prendre la ville par un assaut terrestre à grande échelle. Les Russes ont probablement détourné une puissance de combat considérable de Kharkiv pour se concentrer sur la prise de Sumy. L'état-major ukrainien a signalé le 9 mars que les Russes concentraient des avions pour soutenir d'éventuelles opérations aéroportées dans le cadre de préparatifs plus vastes en vue d'attaquer Sumy. Les rapports des médias sociaux confirment que des combats considérables ont eu lieu autour de Sumy.

Les forces russes, provenant probablement de l'axe de Kharkiv, ont également poursuivi leurs opérations au sud-est. L'état-major ukrainien signale que les Russes ont poursuivi leurs efforts pour s'emparer d'Izyum, à environ 110 kilomètres au sud-est de Kharkiv, et pour traverser les rivières Donets du Nord et Bereka. Les rapports des médias sociaux du 9 mars ont confirmé des bombardements russes à Balakliia, à peu près à mi-chemin entre Kharkiv et Izyum.

Effort de soutien n°1a - Oblast de Lougansk :

La République populaire de Louhansk (LNR) a affirmé le 8 mars qu'elle contrôlait désormais la majeure partie de l'oblast de Louhansk. Le 9 mars, le ministère russe de la Défense a annoncé des gains plus modestes pour la LNR.

Effort de soutien n°2 - Marioupol :

Les forces russes continuent d'encercler et de bombarder Marioupol, ce qui a entraîné la destruction largement rapportée d'une maternité dans la ville. La situation militaire autour de Marioupol n'a pas matériellement changé au cours des dernières 24 heures.

Effort de soutien n° 3 - Kherson et l'ouest :

L'état-major général ukrainien a évalué, le 9 mars, que pas moins de 17 GTB russes appartenant à la 49e armée combinée, au 22e corps d'armée, à la 20e division de fusiliers motorisés de la 8e armée combinée et à des troupes aéroportées sont rassemblés au nord de la Crimée, de Kherson à Rozivka, à environ 47 kilomètres au nord-ouest de Marioupol. L'état-major général avait précédemment suggéré que ce regroupement de forces se préparait à une offensive en direction de Zaporizhya, mais il semble probable que seule une partie de ces troupes russes participera à cette avancée. Les forces russes autour de Kherson semblent concentrées sur la progression vers Mykolayiv et finalement à l'ouest vers Odessa, bien qu'elles puissent tenter de progresser au nord-est vers Zaporizhya au lieu d'Odessa. Les premières avancées russes limitées le long de la route de Mykolayiv vers Novyi Buh ont été de faible ampleur et peu fructueuses.

Les médias sociaux font état de forces russes considérables, peut-être des renforts en cours d'arrivée, à Kherson et dans ses environs le 9 mars. Un rapport de l'état-major ukrainien du 9 mars indiquant que des militaires russes habillés en civil se déplacent de Kherson vers Mykolayiv pourrait indiquer que ces renforts sont destinés à prendre ou à contourner Mykolayiv.

Le 9 mars, l'état-major ukrainien a continué à avertir que la Russie pourrait tenter d'activer ses forces présentes illégalement sur le territoire moldave de Transnistrie, tout en notant que le moral et la capacité de combat de ces forces sont probablement très bas.

Points à surveiller dans l'immédiat

Les forces russes pourraient lancer une tentative d'encerclement de Kiev par l'est et l'ouest et/ou de prise du centre de la ville elle-même dans les 24 à 96 heures à venir.

Les troupes russes peuvent foncer sur la ville de Zaporizhya elle-même dans les prochaines 48-72 heures, probablement pour tenter de la bloquer par l'est et établir les conditions d'opérations ultérieures après la prise de cette ville par les forces russes assiégeant Marioupol.

Les forces russes peuvent tenter un débarquement amphibie n'importe où le long de la côte de la mer Noire, d'Odessa à l'embouchure du Bug du Sud, dans les prochaines 24-48 heures.

Traduction : Veille Stratégique